Comment était-il arrivé ici? Il ne saurait le dire. Mael a presque tout oublié de cet événement, trop grand traumatisme pour un être si fragile. Tout ce dont il se rappelle est sa vie d'humain, celle d'avant, sa vie bien trop normale et posée de jeune adulte de 20 ans. Et puis, le trou noir.
Il s'est réveillé un matin, dans un endroit qu'il ne connaissait pas. Le froid l'avait saisi, faisant trembler tous ses membres. Il n'avait même pas eu le réflexe d'ouvrir les yeux immédiatement, il s'était juste recroquevillé en se disant que la clim devait être trop forte, et son rêve beaucoup trop réaliste. Et pourtant... Il pouvait entendre le vent jouer dans les arbres, la neige tomber autour de lui. Il frémit. Il pouvait surtout entendre des hurlements, des grognements, des bruits d'animaux qui ne lui inspiraient absolument pas confiance. Son souffle se fit haletant, son coeur s'emballa, il serra le poing dans la neige. Juste pour se raccrocher à une sensation concrète, connue, rassurante. Il se concentra sur le froid qui parcourait ses doigts, la neige qui s'enfonçait sous ses ongles.
Il prit une grande inspiration, et ouvrit les yeux, papillonnant un instant. Les sapins tout autour de lui étaient immenses, et magnifiques. La neige tombait, lentement, assez pour qu'il puisse distinguer chaque flocon. Il se mit sur le dos, et écarta doucement les bras. Il se concentra sur le ciel gris, bouché par d'énormes nuages qui laissaient tomber leur or blanc? Il ne voulait pas réfléchir. Il ne voulait pas comprendre ce qu'il se passait, et avoir peur. Mael était un peureux de nature. Il avait peur de tout, tout le temps. C'était presque si sa propre respiration le faisait sursauter. Et il détestait ça. Pourtant, il était conscient qu'il se devait de comprendre, pour réagir. Le froid commençait à engourdir ses membres, il avait sommeil. Depuis combien de temps était-il là?
Il leva une main au-dessus de son visage. Ses doigts étaient blancs, sa peau rougie par la neige. Les larmes perlaient au coin de ses yeux, et il martyrisait nerveusement sa lèvre. Vilain tic. Il sentait que sa vie prenait un tournant inattendu, fou, et qui allait totalement bouleverser son destin. Il souffla, longuement. Puis il finit par se redresser et s'asseoir. Il regarda autour de lui. Il était près d'une grande arche. Ses sourcils se froncèrent, et il glissa ses doigts sur la pierre. S'y accrochant, il se releva, lentement. Il était faible. Les yeux noyés de larmes, il fit quelques pas dans la neige. Un bruit claqua derrière lui, et il se tourna vivement. Ses yeux se plissèrent. Une silhouette avança vers lui, et il écarquilla les yeux. Cette silhouette était tout, tout sauf humaine.
Il aurait pu, il aurait du, humainement, ouvrir la bouche et pousser un cri, appeler à l'aide. Mais il ne le pouvait pas. Plus depuis des années. Plus depuis que son père lui avait soufflé de ne rien dire, de se taire, et de se laisser faire. Sa gorge se noua violemment, il tremblait si fort. Allait-il mourir, là, maintenant? Il aurait tout donné pour que ce ne soit pas le cas.